Rubrique de Pierre Agnola

8Les flocons de neige qui ont tapissé les paysages sanvignards de blanc nous le rappelle : l’hiver est rude. Alors que les animaux n’ont pas la chance d’avoir une maison chauffée et isolée, ceux-ci doivent faire face à ces conditions extrêmes. Aussi, nombreuses sont les stratégies développées, et affinées par les animaux au fil de l’évolution, pour survivre durant cette saison. Toutes doivent permettre aux animaux de satisfaire deux besoins primordiaux : se nourrir et faire face au froid hivernal.

 Certaines de ces stratégies sont connues par tous, comme l’hibernation de l’ours ou la migration des hirondelles. Mais saviez-vous que l’ours n’hiberne pas mais qu’il semi-hiberne ? Et Savez-vous ce qui pousse les hirondelles à partir chaque automne ?  
Ce sujet sera traité en deux rubriques successives. Cette semaine je vais essayer de lever les mystères entourant le merveilleux phénomène naturel qu’est la migration.

 Tout d’abord, la migration animale est un déplacement saisonnier et (presque toujours) régulier. C’est la réponse la plus simple et la plus extrême à l’arrivée des conditions hivernales : « Des conditions difficiles arrivent ? Très bien, je préfère passer l’hiver plus au sud, au chaud et le ventre plein ». La migration implique obligatoirement un retour, auquel cas le processus serait plutôt une colonisation.
Aussi, migrer n’est pas réservé exclusivement aux oiseaux. En effet, les insectes, notamment les papillons et les criquets effectuent également une migration.

Comment et quand la migration se déclenche-t-elle ?
La date n’est pas commune entre toutes les espèces, certaines vont partir dès que la nourriture vient à manquer (insectes volants pour les oiseaux ou plantes à fleurs pour les papillons) alors que d’autres attendront jusqu’aux premières gelées (canards).
La migration est induite par la sécrétion d’hormones (notamment la mélatonine et la corticostérone). Cette même sécrétion d’hormones est provoquée par la baisse de la luminosité, caractéristique de l’automne, et par le stress qu’occasionne le manque de nourriture.
Suite à ces bouleversements hormonaux, l’animal va préparer son corps à l’extrême exigence des déplacements migratoires. Tout d’abord il va constituer des réserves de graisses, puis, dans le cas d’un oiseau, il va réaliser une mue, c’est-à-dire renouveler certaines de ses plumes pour optimiser son futur vol.

Enfin, les départs migratoires s’effectuent de nuit la plupart du temps.
Nous, humains, nous avons besoin d’un GPS pour nous orienter. Les animaux, eux, sont capables de voler durant des milliers de kilomètres et rejoindre, chaque année, la même aire d’hivernage avant de revenir, chaque année, au même endroit passer l’été.


Comment ce formidable sens de l’orientation s’explique-t-il ?
Bien plus fiable que le dernier garmin, les animaux migrateurs s’appuient sur plusieurs facultés hors du commun pour parfaire leur sens de l’orientation :

  •  La perception du champ magnétique. Vous savez sûrement que la terre est entourée d’un champ magnétiques provoqué par la mise en circulation du noyau externe fluide de la terre. Celui-ci varie en fonction de votre emplacement sur terre. Les oiseaux sont capables de capter ce champ magnétique grâce à des cristaux présents dans leurs cellules externes.
  •  Une vue et un odorat hors du commun qui viennent parfois corriger le compas magnétique cité précédemment.
  •  La capacité de s’orienter grâce aux étoiles. En effet, connaissant le ciel du printemps et le ciel de l’automne, l’oiseau va respectivement s’orienter vers le nord ou le sud. Cette faculté n’est pas innée chez les oiseaux, ils la perfectionnent au fil des migrations.
  •  Cela n’a pas encore été prouvé scientifiquement, mais il semblerait que les animaux ont une capacité de mémoire. Ceux-ci forment une carte mentale de leurs trajets qu’ils transmettent ensuite aux générations futures.

Durant le trajet, les animaux sont amenés à s’arrêter sur plusieurs aires de repos pour reconstituer leur réserve de graisse.

De plus, les animaux évitent au maximum un vol prolongé au-dessus des mers ou des océans puisque les vents y sont faibles et il est impossibles de s’y reposer pour la majorité des oiseaux.

En France, si l’on simplifie fortement, on peut dire qu’il y a deux grands couloirs de migration représentés sur la carte ci-dessous.

9

10Aujourd’hui, ces phénomènes migratoires sont fortement impactés par l’activité humaine et particulièrement par le réchauffement climatique.
En effet, celui-ci a une influence évidente sur la sédentarisation des espèces. Par exemple, il est aujourd’hui courant d’observer des oiseaux, habituellement migrateurs, adopter un comportement de nicheurs comme la fauvette à tête à noir ou le pouillot véloce.

 En attendant le retour des chants mélodieux des rossignols ou du singulier coucou de l’oiseau éponyme, voici quelques exemples des distances parcourues par certains oiseaux pour rejoindre leur aire d’hivernage.

  •  Hirondelle rustique : 10 000km
  •  Coucou gris : 3000 km
  •  Cigogne blanche : jusqu’à 10 000km
  •  Sterne arctique : 17000 km
  •  Vulcain (papillon) : jusqu’à 2000 km

 

L’hibernation, semi-hibernation et adaptation

Certains animaux, n’ayant peut-être pas le goût du voyage et de l’aventure, préfèrent rester en France et affronter l’hiver. Ceux-ci utilisent trois stratégies différentes que nous allons détailler une par une : l’hibernation, la semi-hibernation et l’accommodation.

 L’hibernation

Tout d’abord, pour comprendre ce phénomène, il convient de rappeler que les animaux peuvent être « à sang chaud » ou « à sang froid ». La différence entre les deux est la capacité de l’animal à réguler sa température interne indépendamment de la température externe.
Par exemple, l’homme est à sang chaud avec une température interne constante avoisinant les 37°C, même en hiver. Alors que tous les reptiles voient leur température interne baisser drastiquement en même temps que l’arrivée des conditions hivernales.
Aussi, il faut savoir que, maintenir une température interne élevée malgré les températures froides de l’hiver, représente une très grosse dépense énergétique pour les animaux. Or, la grosseur de certains et/ou l’absence de nourriture en hiver les empêchent de réguler ce paramètre interne.
Ainsi, tous les animaux à sang froids, et certains à sang chauds, incapables de subvenir à leur besoin énergétique l’hiver venu, pratiquent l’hibernation.

L’hibernation représente un état léthargique dans lequel :

  •  La température corporelle baisse de manière importante (jusqu’à frôler le zéro parfois).
  •  Le métabolisme est très fortement ralenti avec une fréquence cardiaque allant jusqu’à 1 ou 2 battements par minutes.
  •  Une activité cérébrale quasiment absente mais suffisante pour assurer les besoins vitaux de l’animal (respiration, battements cardiaques).

Les causes de l’entrée en hibernation sont beaucoup étudiées aujourd’hui. D’aucuns pensent que la diminution de la température externe est la cause principale alors que d’autres misent sur la diminution de la photopériode (durée du jour).
Ceci étant, l’animal prépare toujours une hibernation en constituant des réserves de graisses impressionnantes avant l’hiver.

11Tous les animaux hibernants cherchent un lieu isolée, abrité et tranquille pour tomber sereinement en état léthargique dans lequel il leur sera impossible de se défendre. C’est pour cela qu’il est si difficile de rencontrer un hibernant durant nos randonnées d’hiver. Par exemple, certains crapauds passent l’hiver dans le sol, enfoncés sous 30 cm, ceux-ci sont protégés des aléas climatiques. 
Le record de la durée d’hibernation est attribué au Loir gris : ce petit animal dort d’octobre à avril c’est-à-dire pendant 7 Mois !! On comprend mieux l’expression « dormir comme un loir ».

Exemple de certains animaux hibernants :

  •  Le hérisson
  •  Le loir gris
  •  La marmotte
  •  Les serpents
  •  Les chauves-souris
  •  Les lézards
  •  Les tortues terrestres
  •  …

 14Attention à ne pas réveiller un animal hibernant !!

Le stress, provoqué par un réveil soudain pendant l’hibernation, entraîne une forte utilisation (et donc diminution) de la réserve de graisses de l’animal synonyme de mort la plupart du temps. Donc, avant de tailler vos massifs ou de vous nettoyer votre grenier, veillez à bien regarder si un hérisson ou une chauve-souris n’a pas prévu de passer l’hiver à cet endroit.
Si vous trouvez un tel animal réveillé durant les mois d’hiver, de décembre à février, vérifiez tout d’abord si vous ne voyez pas son abri ou ses semblables aux alentours.
Si ce n’est pas le cas, recueillez-le et placez-le au chaud le plus rapidement possible. Installez le dans un carton avec de la nourriture (croquettes pour le hérisson, petits insectes pour les chauves-souris, et de l’eau.
Attendez quelques heures/jours, qu’il refasse ses réserves puis relâchez-le à l’endroit où vous l’aviez trouvé.

 

La semi-hibernation

12Et oui, ce n’est pas du chipotage mais il existe bel et bien des animaux à sang chaud « hibernants » ET d’autres « semi-hibernants ».

Pour mieux comprendre, prenons un exemple et profitons-en pour en finir une bonne fois pour toutes avec une fausse vérité : l’ours n’hiberne pas, il semi-hiberne !!

La semi-hibernation se caractérise par une baisse de seulement quelques degrés de la température interne et une activité métabolique seulement ralentie.
De plus, durant celle-ci, les animaux se réveillent à plusieurs reprises à cause de dérangements humains ou d’une modification importante des conditions climatiques extérieures. Réveillés, ils en profitent pour reconstituer leurs réserves de nourritures et même pour mettre au monde leurs petits : c’est le cas de la femelle ours noir qui met bas et s’occupe des oursons durant cette période.

Le blaireau (présent sur la commune de Sanvignes) et le raton-laveur son également des semi-hibernants.

L’acclimatation

13Ainsi, après avoir vu les espèces migratrices, hibernantes et semi-hibernantes, voici les plus vaillantes, celles qui, malgré les rudes conditions hivernales, continuent de vivre (presque) normalement.
Je dis presque car toutes s’adaptent, morphologiquement et/ou au niveau du comportement, le temps de l’hiver. Puis, une fois le printemps revenu, la morphologie et le comportement de ces animaux revient à la normale ; C’est pour cela que l’on parle d’acclimatation et non pas d’adaptation (qui serait alors un changement morphologique permanent et transmissible aux générations futures). 

Exemples de différents changements morphologiques (adaptation au froid) :

  • Variation de la structure du pelage des mammifères : augmentation de la longueur des poils. Ceux-ci, plus longs, augmentent le volume d’air chaud conservé entre les poils et la peau et participent à lutter contre le froid.
  • Sécrétion de sébum sur la peau pour imperméabiliser le pelage.
  • Les frissons sont des mouvements réflexes involontaires qui permettent la création de chaleur dans l’organisme.
  • Ect …

 Quelques changements comportementaux :

  •  Beaucoup d’animaux solitaires d’ordinaire adoptent un comportement grégaire l’hiver. C’est le cas des passereaux. Il n’est pas rare de croiser à Sanvignes des volées de mésanges bleues/charbonnières accompagnées de Verdiers d’Europe. En effet, plus ces animaux sont nombreux, plus ils se réchauffent, plus la nourriture est facile à trouver et plus ils sont protégés des prédateurs. 
  •  La période de reproduction du renard se déroule en plein hiver, en Janvier ! C’est le seul mammifère de nos régions qui est en rut et s’accouple dans des conditions aussi difficiles. Cependant, après une gestation de 52 à 53 jours, les renardeaux verront le jour au début du printemps et auront ainsi toute une belle saison pour s’enhardir et pouvoir passer l’hiver suivant.

On peut dire qu’il existe presque autant de manière de passer l’hiver que d’espèces différentes. Ces différentes techniques misent en œuvre pour l’hiver nous montrent la formidable capacité de la nature à s’adapter en privilégiant la coopération et des transformations morphologiques simples, réversibles et économes en énergies. 
Décidemment, quand on prend le temps de s’y intéresser, cette belle nature est pleine de surprises et source inépuisable d’émerveillement.